mars 07, 2007

Jean Baudrillard.

Thème : A voir.

Il y a des coïncidences troublantes. Après avoir entrepris de relire une biographie de B.Brecht (c'est le très grand film La vie des Autres de Florian Henckel von Donnersmarck qui m'en a insufflé le désir), j'apprends hier soir la mort de Jean Baudrillard.

"Ne vous laissez pas séduire par les images!" nous a appris Jean Baudrillard. Si vous voulez savoir pourquoi elles abolissent le réel, regardez ce court documentaire.


"La disparition du monde réel", documentaire d'ARTE de 6'44".

«Objet, consommation, besoins, aspiration: il faut déconstruire toutes ces notions, car on ne théorise pas plus l'évidence de la vie quotidienne que celle du rêve ou son discours manifeste : ce sont les processus et le travail du rêve qu'il faut analyser pour retrouver la logique, inconsciente, d'un autre discours. Tout aussi bien, ce sont les processus et le travail de la logique sociale inconsciente qu'il faut retrouver sous l'idéologie consacrée de la consommation» in Pour une critique de l'économie politique du signe, Paris, Gallimard, 1976, p. 59.

Quelques autres citations de Jean Baudrillard :

«(…) là où l'individu en tant que tel est aujourd'hui requis et pratiquement irremplaçable, c'est en tant que consommateur» in La société de consommation, Paris, Gallimard, 1979, p. 118.

«(La consommation) est une conduite active et collective, elle est une contrainte, elle est une morale, elle est une institution. Elle est tout un système de valeurs, avec ce que ce terme implique comme fonction d'intégration du groupe et de contrôle social» in La société de consommation, Paris, Gallimard, 1979, p. 114 .

«Il n'y a d'objet de consommation qu'à partir du moment où on en change, et où ce changement est déterminé par la LOI SOCIALE, qui est celle du renouvellement du matériel distinctif et de l'inscription obligatoire des individus, à travers la médiation de leur groupe et en fonction de leur relation avec les autres groupes, dans cette échelle de statut (...)» in Pour une critique de l'économie politique du signe, Paris, Gallimard, 1976, p. 66.

«Le principe de l'analyse reste celui-ci : on ne consomme jamais l'objet en soi (dans sa valeur d'usage) – on manipule toujours les objets (au sens large) comme signes qui vous distinguent soit en vous affiliant à votre propre groupe pris comme référence idéale, soit en vous démarquant de votre groupe par référence à un groupe de statut supérieur. Pourtant ce procès de différenciation statutaire, qui est un procès social fondamental, par où chacun s'inscrit en société, a un aspect vécu et un aspect structurel, l'un conscient, l'autre inconscient, l'un éthique (c'est la morale du standing, de la concurrence statutaire, de l'échelle de prestige), l'autre structurel : c'est l'inscription permanente dans un code dont les règles, les contraintes de signification – comme celles de la langue – échappent pour l'essentiel aux individus.

Le consommateur vit comme liberté, comme aspiration, comme choix ses conduites distinctives, il ne les vit pas comme une contrainte de différenciation et d'obéissance à un code» in La société de consommation, Paris, Gallimard, 1979, pp. 79-80.

«C'est dans la mesure où tout un éventail lui est offert que l'acheteur dépasse la stricte nécessité de l'achat et s'engage personnellement au-delà. [ ] De gré ou de force, la liberté que nous avons de choisir nous contraint à entrer dans un système culturel. [ ] mais surtout le fait de choisir vous assigne à l'ensemble de l'ordre économique» in Le système des objets : la consommation des signes, Paris, Denoël-Gonthier, 1968, p.168.

«Au niveau de l'objet industriel et de sa cohérence technologique, l'exigence de personnalisation ne peut être satisfaite que dans l'inessentiel. Pour personnaliser les automobiles, les producteur ne peut que prendre un châssis de série, un moteur de série, et modifier quelques caractères extérieurs ou ajouter quelques accessoires.» in Le système des objets : la consommation des signes, Paris, Denoël-Gonthier, 1968, p.169.

Le système des objets «se soutient d'une idéologie démocratique; il se veut la dimension d un progrès social : possibilité pour tous d'accéder peu à peu aux modèles, ascendance sociologique continue qui porterait, l'une après l'autre, toutes (...) les couches de la société vers plus de luxe matériel et, de différence en différence «personnalisée», plus près du modèle absolu. Or, Nous sommes dans notre société de «consommation» de plus en plus loin d'une égalité devant l'objet. (...) Une apparence d égalité s'est instituée par le fait que tous les objets obéissent au même impératif «fonctionnel». Mais cette démocratisation formelle du statut culturel cache (...) des inégalités plus graves, puisqu elles affectent la réalité même de l'objet, sa qualité technique, sa substance, sa durée.» in Le système des objets : la consommation des signes, Paris, Denoël-Gonthier, 1968, p.183.

"La consommation est une institution de classe comme l'école : non seulement il y a inégalité devant les objets au sens économique ( l'achat, le choix, la pratique en sont réglés par le pouvoir d'achat, le degré d'instruction lui-même fonction de l'ascendance de classe, etc.) – bref, tous n'ont pas les mêmes objets, comme tous n'ont pas les mêmes chances scolaires – mais plus profondément il y a discrimination radicale au sens où seuls certains accèdent à une logique autonome, rationnelle des éléments de l'environnement (usage fonctionnel, organisation esthétique, accomplissement culturel) : ceux-là n'ont pas affaire à des objets et ne «consomment» pas à proprement parler -, les autres étant voués à une économie magique, à la valorisation des objets en tant que tels, et de tout le reste en tant qu'objets (idées, loisirs, savoir, culture) : cette logique fétichiste est proprement l'idéologie de la consommation» in La société de consommation, Paris, Gallimard, 1979, pp. 76-77 .

«Admettons que nos objets quotidiens sont [en effet] les objets d'une passion, celle de la propriété privée, dont l' investissement affectif ne le cède en rien à celui des passions humaines, une passion quotidienne qui souvent l'emporte sur toutes les autres, qui parfois règne seule en l'absence des autres.» in Le système des objets : la consommation des signes, Paris, Denoël-Gonthier, 1968, p. 103

«Nous ne sommes pas, dans la publicité, «aliénés», «mystifiés» par des thèmes, des mots, des images, mais bien conquis par la sollicitude qu'on a de nous parler, de nous faire voir, de s'occuper de nous.» in in Le système des objets : la consommation des signes, Paris, Denoël-Gonthier, 1968, p.201.

«Vous êtes visé, aimé par l'objet. Et parce qu'on vous aime, vous vous sentez exister : vous êtes «personnalisé». C est l'essentiel : l'achat lui-même est secondaire.» in Le système des objets : la consommation des signes, Paris, Denoël-Gonthier, 1968, p.201.

«Si (la consommation) était relative à l'ordre des besoins, on devrait s'acheminer vers une satisfaction. Or, nous savons qu' il n'en est rien : on veut consommer de plus en plus. Cette compulsion de consommation n est pas due à quelque fatalité psychologique (qui a bu boira, etc.) ni à une simple contrainte de prestige. Si la consommation semble irrépressible, c est justement qu'elle est une pratique idéaliste totale qui n a plus rien à voir (au-delà d'un certain seuil) avec la satisfaction de besoins ni avec le principe de réalité. C' est qu'elle est dynamisée par le projet toujours déçu et sous-entendu dans l'objet. L'objet est signe. [la consommation] ne peut dès lors que se dépasser, ou se réitérer continuellement pour rester ce qu'elle est : une raison de vivre.» in Le système des objets : la consommation des signes, Paris, Denoël-Gonthier, 1968, p.238.

«Car le pire est d'être dans la nécessité d'inventer de soi-même des motivations d'agir, d'aimer, d'acheter.» in Le système des objets : la consommation des signes, Paris, Denoël-Gonthier, 1968, p.202.

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